C'est durant la « drôle de guerre » que Jean-Paul Sartre (1905-1980) élabore cette somme d'« ontologie phénoménologique » qui paraît en 1943 sous le titre de L'Être et le Néant. Essai d'ontologie phénoménologique, donnant à l'existentialisme français son véritable départ. Avec ce livre, Sartre inaugure un style nouveau en philosophie : les analyses réflexives y deviennent inséparables d'exemples concrets (la « mauvaise foi » ne pourra plus être dissociée de la description du « garçon de café »). Ouvrage touffu et parfois un peu étouffant, d'une virtuosité sans égale jusqu'alors et qui rompt avec les manières académiques de philosopher en France, L'Être et le Néant marque une étape capitale dans la philosophie de Sartre. Reprise de Husserl dont l'intentionnalité de la conscience est conservée et transformée, acclimatation d'Être et Temps de Heidegger dans un contexte humaniste, pensée radicalement débarrassée de tous les arrière-mondes […]En avril 1980, la mort de Jean-Paul Sartre fut l'occasion d'une grande ferveur collective. Ses funérailles, sans rappeler exactement celles de Victor Hugo un siècle plus tôt, rassemblèrent la communauté intellectuelle, le peuple de gauche, la jeunesse qui lisait Libération, ce journal populaire qu'il avait aidé à fonder. La gauche en France avait perdu son dernier grand écrivain et son dernier grand intellectuel, au moment même où les intellectuels, une fois révolu leur âge d'or, prenaient leurs distances avec la vie publique. Après la chute du Mur de Berlin, du socialisme soviétique, de la plupart des régimes communistes, le compagnon de route, qu'on louait dans les années 1950-1960 pour sa générosité, semble devenu un compagnon de déroute, le maître d'erreur et de fausseté pour une génération. Il reste certes une communauté internationale de sartriens qui travaille à la connaissance de ses écrits, mais elle ne déborde guère le champ de l'Université et d