L'amour au service de l'état civil
Anne LAVANCHY1
In: Migrations Société, Vol. 25, n°150, pp. 61-77.
Depuis 2008 en Suisse, un article législatif oblige les officiers d'état civil à déceler les unions motivées dans le but d'obtenir un permis de séjour. Les mariages binationaux sont donc souvent assimilés à des formes d'abus. L’enjeu de cette clause du soupçon est de ne pas “brader le pays” en protégeant à la fois ses institutions et les “fiancée naïves”. Ce travail de protection laisse entrevoir le mythe de “la ressemblance imaginaire” : la soi-disant homogénéité du pays qu'il faudrait conserver. Et c'est justement par le travail bureaucratique et administratif que sont produites et reproduites les représentations (genrées et racialisées) sur les nationaux.
L'étude commence donc par expliquer le contexte national et théorique de la recherche notamment avec les Whiteness Studies. Whiteness traduit par “blanchitude” est un concept permettant de concevoir l'appartenance des “blancs” à une catégorie racialisée, associée à une classe dominante, “universalisée et invisibilisée”2. Ce concept peut designer à la fois une identité collective, un dispositif idéologique ou des institutions. Ces dispositifs idéologiques matérialisés par les institutions, structurent la société et les statuts de chacun et rendent “les privilèges et les dominations liés à la blanchitude d'autant plus indiscutables, qu'ils sont invisibilisés”3
C'est à partir des communes et des officiers d'état civil que la définition de ce qu'est “être un suisse”, est imaginée, définie. Il y a une grande peur d'un déséquilibre entre les étrangers et les nationaux. Le regroupement familiale est alors considéré, comme ailleurs, en tant qu'une faille qui pourrait déstabiliser l'identité nationale. Celle-ci étant déjà ébranlée par les étrangers “déjà sur place”.
Les officiers se défendent d'appliquer la loi,