L'ile des Esclaves scene1
La première des îles de Marivaux est une utopie sociale qui est centrée sur la problématique de la relation maîtres/valets, qui représente, dans les réalités sociales du XVIIIe siècle, un point important de réflexion. Il est très intéressant de remarquer la manière dont Marivaux traite ce thème central de sa pièce par le moyen de deux figures utopiques : il s’agit de l’île – lieu mystérieux où existe une société autre, fondée par les anciens esclaves de la Grèce révoltés contre leurs maîtres et du renversement, par lequel les personnages font l’expérience d’un retournement de leurs rôles sociaux, les maîtres devenant des esclaves et inversement. Nous allons commencer notre analyse par un synopsis de la pièce, qui permettra ainsi de mieux suivre la thématique utopique qui nous intéresse.
La première dimension importante est la dimension sociale de la pièce, qui résulte de l’analyse du rapport entre les maîtres et les valets, transposé, au niveau de l’ailleurs spatial et temporel que la pièce met en scène, à celui entre maîtres et esclaves, puisque l’action se place dans l’Antiquité grecque. En ce sens, c’est Iphicrate qui apprend à son valet, dans la première scène, l’existence de ce lieu utopique où règne un ordre social opposé à la société de référence des personnages, à savoir celle d’Athènes : « L. à L. » Ce court dialogue représente la première référence à la société des esclaves, qui est loin d’avoir une apparence utopique : présenté dans la perspective d’Iphicrate, le contact avec cette société est perçu d’une manière angoissante, car il est susceptible d’entraîner non seulement la perte de la position sociale et des privilèges sociaux d’Iphicrate, mais surtout sa liberté et, peut-être même, sa vie. D’autre part, cette société comporte plusieurs attributs qui renvoient à une nature primitive, sauvage, plutôt qu’à une nature utopique : les habitants de ce lieu vivent dans des cages qui rappellent les hommes sauvages.