l objet surrealiste
Avec le Surréalisme apparaît une nouvelle conception de l'image et, partant, de l'objet. Comme l'image, celui-ci atteste d'un rapport au réel que le mouvement surréaliste entend redéfinir. L'objet se trouve ainsi placé au centre d'une crise qui est, au fond, celle de tout l'art moderne. Il s'agit bien en effet de contester la perception usuelle que nous avons des choses et de casser dans nos rapports avec elles la primauté de l'usage pour exploiter leur vie secrète dans notre imagination, nos rêves ou nos fantasmes. Les surréalistes arrachent ainsi les objets à leur vocation utilitaire et anéantissent du même coup la notion sacralisée de "création artistique" : l'objet usuel n'a plus une fonction, mais une vertu quasi magique que l'art est prié d'enregistrer au même titre qu'une sculpture.
André Breton, Crise de l'objet (1936) De même que la physique contemporaine tend à se constituer sur des schémes non-euclidiens, la création des « objets surréalistes » répond à la nécessité de fonder, selon l'expression décisive de Paul Eluard, une véritable « physique de la poésie ». De même que voisinent dès maintenant, sur les tables des instituts mathématiques du monde entier, des objets construits, les uns sur des données euclidiennes, les autres sur des données non-euclidiennes, d'aspect également troublant pour le profane, objets qui n'en entretiennent pas moins dans l'espace tel que nous le concevons généralement les relations les plus passionnantes, les plus équivoques, les objets qui prennent place dans le cadre de l'exposition surréaliste de mai 1936 sont avant tout de nature à lever l'inlerdit résultant de la répétition accablante de ceux qui tombent journellement sous nos sens et nous engagent à tenir tout ce qui pourrait être en dehors d'eux pour illusoire. Il importe à tout prix de fortifier les moyens de défense qui peuvent être opposés à l'envahissement du monde sensible par les choses dont, plutôt par habitude que par nécessité,