L’industrie de la musique enregistrée recomposée
1. Un secteur en crise… depuis 35 ans. Dans le secteur musical les mutations que connaissent les industries culturelles semblent aujourd’hui exacerbées : le phénomène de concentration et d’intégration de la filière, la problématique du droit d’auteur, le piratage décuplé, la redéfinition de la fonction éditoriale, l’imbrication des logiques industrielles et des normes techniques, constituent autant de questions qui recomposent l’industrie du disque (sur le mode de l’accentuation des phénomènes antérieurs, mais aussi parfois en orchestrant des ruptures).
Depuis les années 70, bon nombre des études portant sur l’industrie de la musique enregistrée s’attardent sur son caractère fragile [De Coster, 1976 ; Le Diberder, 1987 ; Lange, 1995 ; Burnett, 1996 ; D’Angelo, 1997 ; Vandiedonck, 1999 ; Pichevin, 2000 ; Charles, 2003] : une fragilité à la fois due à la nature même des biens produits[1], à la structuration de la filière[2] et à l’existence d’un marché parallèle (dominant dans certaines parties du globe) de produits de contrefaçon. Ces trois éléments organisent un système à géométrie variable produisant depuis 35 ans, de façon quasiment ininterrompue, des discours foisonnants sur la crise de l’industrie phonographique. Celle-ci touche, successivement ou simultanément, l’offre, la créativité artistique, la demande, les objets techniques, les circuits de distribution, etc.. La crise apparaît en quelque sorte comme une des composantes structurelles du secteur, comme un levier stratégique permettant des reconfigurations, des alliances, des sauts techniques (le coup de force qui a permis d’imposer le CD dans les années 80 reste une illustration exemplaire de ce phénomène).
Aujourd’hui le commentateur et le chercheur sont facilement pris dans le flot grondant du discours sur la crise et le péril qui menacerait le disque, l’industrie musicale et toute la création… Il faut pourtant tout d’abord