La pièce Lucrèce Borgia de Victor Hugo s’ouvre sur un bal masqué qui prend place à Venise, au palais du doge Barbarigo. Cinq soldats d’un convoi vénitien s’amusent amicalement tout en conversant sur un ton innocent. L’un d’eux, Jeppo, se met à raconter l’histoire d’un meurtre qui se serait déroulé quelques années auparavant et dont tout le monde parle. D’après ses dires, le seul témoin de ce meurtre a vu le corps d’un homme déposé dans le Tibre par son propre frère. Le cadavre était celui de Jean Borgia, et son meurtrier aurait été César Borgia. La rumeur dit que César Borgia aurait tué son frère car tous deux aimaient la même femme : Lucrèce Borgia, leur sœur.

Le rappel de ce meurtre éveille en ces soldats la haine profonde qu’ils ressentent à l’égard de Lucrèce Borgia, non seulement parce qu’elle est une impitoyable criminelle et manipulatrice, mais parce que d’une manière ou d’une autre, elle a causé la mort d’au moins un membre de chacune de leurs familles. À la fin de son récit, Jeppo entre dans la salle de Bal suivi de tous les autres soldats à l’exception de l’un d’entre eux, Gennaro, qui s’est volontairement endormi lors de cette histoire, car connaissant Jeppo, il a pensé qu’il s’agissait d’un nouveau récit sans grand intérêt.

Alors que Gennaro est endormi sur une chaise, une jeune femme entre, joliment vêtue mais portant un masque. Elle s’approche de Gennaro qui lui semble si paisible et, charmée par sa beauté physique, elle ne peut résister au désir de l’embrasser et retire involontairement son masque. De ses yeux coulent des larmes de regret et d’admiration qui heurtent la main de Gennaro au moment où elle y dépose un baiser, et Gennaro se réveille brusquement. Lui, qui ne sait pas qu’il s’agit de l’abominable Lucrèce Borgia, engage galamment une conversation avec elle, pensant qu’il s’agit de la marquise de Pontequadrato, une grande dame napolitaine qu’elle prétend être.

Gennaro se sent instantanément connecté à elle, au point de lui révéler son