Sonate de Vinteuil

tonalités donnant la sensation de l’idée d’une promenade, une sorte de dérive. Les thèmes de Schubert sont également des manières de faire passer le temps. Le compositeur immobilise le discours, suspend le vol du temps. Dans le 1er mouvement de la Sonate D.960, un trille revient à plusieurs reprises et intervient dans le discours pour interrompre le vol du temps. Schubert inventa une nouvelle conception du temps musical ; marqué ainsi par de vastes plages d’immobilité. Il est une sorte de musicien

sorte d’instrument quasi magique qui se met en marche sous le coup d’une émotion ; découverte fondamentale qui connaîtra une postérité énorme en littérature que Proust, au XXème siècle rendra célèbre avec l’épisode de la madeleine ou de la sonate de Vinteuil. Cependant à la différence de Proust, chez Rousseau le souvenir est ancré dans un perpétuel présent ; le passé n’est pas irrémédiablement perdu, il est là, latent, momentanément muet. Se souvenir, pour Rousseau, c’est manifester un passé vivant

qu’il fait sans doute encore froid sur le Grand Canal à la veille de Pâques : il faut donc prévoir un habit de plus dans la valise d’un voyage que, bien entendu, il ne fera pas. Dans les jeunes filles en fleur, San Marco surgit évoqué par la sonate de Vinteuil : les tableaux d’Elstir, les tissus de Fortuny, insinuent en lui le désir, brûlant comme un amour, de Venise. Dans Du Côté de Guermantes surgissent ça et là, tout à coup, sans raison apparente, des évocations comme celle-ci : « Ainsi, plus tard

et qui ne la gâte pas tout entière. Moi, cependant, au contraire de maman, j’étais fort heureux de son déplacement à Combray, sans lequel j’eusse craint (ne pouvant pas dire à Albertine de la cacher) qu’elle ne découvrît son amitié pour Mlle Vinteuil. C’eût été pour ma mère un obstacle absolu, non seulement à un mariage dont elle m’avait d’ailleurs demandé de ne pas parler encore définitivement à mon amie et dont l’idée m’était de plus en plus intolérable, mais même à ce que celle-ci passât

maintenir encore un moment de toutes ses dernières forces le chemin ouvert pour qu’il pût passer, comme on soutient une porte qui sans cela retomberait. Et avant que Swann eût eu le temps de comprendre, et de se dire: «C’est la petite phrase de la sonate de Vinteuil 10, n’écoutons pas!» tous ses souvenirs du temps où Odette était éprise de lui, et qu’il avait réussi jusqu’à ce jour à maintenir invisibles dans les profondeurs de son être, trompés par ce brusque rayon du temps d’amour qu’ils crurent revenu

d’arbres que j’avais cru reconnaître dans une promenade en voiture autour de Balbec, la vue des clochers de Martinville, la saveur d’une madeleine trempée 5 dans une infusion, tant d’autres sensations dont j’ai parlé et que les dernières œuvres de Vinteuil m’avaient paru synthétiser. Comme au moment où je goûtais la madeleine, toute inquiétude sur l’avenir, tout doute intellectuel étaient dissipés. Ceux qui m’assaillaient tout à l’heure au sujet de la réalité de mes dons littéraires, et même de la

accoutumées qu’elles étaient à s’en Leurs sentiments, froissés leur insu mais vivaces, secret la cernée focalisation employée dans despincettes textes ? etQuels sont les effets produits 10 comprendre, et de sefaisaient «C’est la de petite phrase la sonate de Vinteuil , de n’écoutons pas!» tousétait sesilsouvenirs 15 de ridicules. leur Toujours prêt àdire: se jeter des hors exceptions sa prison, curieuses àdedévorer danslecette tapis, réunion les meubles, gens la maison dont ladétestée, vie purement fallait

trompe évidemment, car le héros doit découvrir d'autres plaisirs que les joies intellectuelles. 89. L'expérience des pavés reprend la situation du Cahier 58, mais il faut signaler que Proust ajoute en marge l'allusion aux dernières oeuvres de Vinteuil, comme souvenir de La Prisonnière. 90. Plus guère de paperoles ni d'additions ici (mais cette disparition est très momentanée). C'est que Proust recopie les brouillons, ici les Cahiers 26 et 57 pour ce qui concerne le bruit de la cuiller et l'empois

formes qui y passent nous en montrant la couleur. » Proust, Le Côté de Guermantes II, Paris, Gallimard, Folio, 1954, p.136 Si l’écriture de Proust a son rythme, sa respiration, un motif musical y surgit parfois : la « petite phrase » de Vinteuil, extrait d’une sonate du musicien. « […] sous l’agitation des trémolos de violon qui la protégeaient de leur tenue frémissante à deux octaves de là – et comme dans un pays de montagne, derrière l’immobilité apparente et vertigineuse d’une cascade, on aperçoit

d’arbres que j’avais cru reconnaître dans une promenade en voiture autour de Balbec, la vue des clochers de Martinville, la saveur d’une madeleine trempée 5 dans une infusion, tant d’autres sensations dont j’ai parlé et que les dernières œuvres de Vinteuil m’avaient paru synthétiser. Comme au moment où je goûtais la madeleine, toute inquiétude sur l’avenir, tout doute intellectuel étaient dissipés. Ceux qui m’assaillaient tout à l’heure au sujet de la réalité de mes dons littéraires, et même de la