427 Baudelaire Recueillement
André Durand présente
‘’Recueillement’’
sonnet de Charles BAUDELAIRE
dans
‘’Les fleurs du mal’’
(1857)
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici : Une atmosphère obscure enveloppe la ville, Aux uns portant la paix, aux autres le souci.
Pendant que des mortels la multitude vile, Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci Va cueillir des remords dans la fête servile, Ma douleur, donne-moi la main ; viens par ici,
Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années, Sur les balcons du ciel, en robes surannées Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;
Le Soleil moribond s'endormir sous une arche, Et, comme un long linceul traînant à l'Orient, Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.
Commentaire
Ce sonnet parut pour la première fois en novembre 1861, dans ‘’La revue européenne’’, quelques mois après la seconde édition des ‘’Fleurs du mal’’. On a supposé, avec une grande probabilité, qu’il n’était pas achevé au début de l’année, à l’époque où Baudelaire pressait la nouvelle édition de son recueil. C'est donc un poème de la maturité.
Il contraste, par son climat d'apaisement (mot qui serait d’ailleurs un titre plus adéquat pour le poème, car «recueillement» désigne un état de l’esprit qui s’isole du monde extérieur pour se concentrer sur la vie intérieure, comme on le constate dans le poème ‘’Le crépuscule du soir’’ : «Recueille-toi, mon âme, en ce grave moment») : apaisement de l’âme à l’approche du soir, mais aussi d’un soir symbolique : celui de la vie, avec la détresse que le poète connaissait à cette époque. À aucun moment, en effet, il ne s’était senti aussi seul, et ‘’Recueillement’’ est d’abord le cri de douleur d’un solitaire. Il n’était plus question pour lui de vivre avec Jeanne Duval. Ni Mme Sabatier ni Marie Daubrun n’avaient pu jouer longtemps l’impossible rôle qu’il avait attendu d’elles. D’autre