Actes et paroles de victor hugo
[modifier] I AUX HABITANTS DE GUERNESEY
Janvier 1854.
Une condamnation à mort est prononcée dans les îles de la Manche. Victor Hugo intervient.
Peuple de Guernesey,
C’est un proscrit qui vient à vous.
C’est un proscrit qui vient vous parler pour un condamné. L’homme qui est dans l’exil tend la main à l’homme qui est dans le sépulcre. Ne le trouvez pas mauvais, et écoutez-moi.
Le mardi 18 octobre 1853, à Guernesey, un homme, John-Charles Tapner, est entré la nuit chez une femme, Mme Saujon, et l’a tuée ; puis il l’a volée, et il a mis le feu au cadavre et à la maison, espérant que le premier forfait s’en irait dans la fumée du second. Il s’est trompé. Les crimes ne sont pas complaisants, et l’incendie a refusé de cacher l’assassinat. La providence n’est pas une recéleuse ; elle a livré le meurtrier.
Le procès fait à Tapner a jeté un jour hideux sur plusieurs autres crimes. Depuis un certain temps des mains, tout de suite disparues, avaient mis le feu à diverses maisons dans l’île ; les présomptions se sont fixées sur Tapner, et il a paru vraisemblable que tous les précédents incendies dussent se résumer dans le sanglant incendiaire du 18 octobre.
Cet homme a été jugé ; jugé avec une impartialité et un scrupule qui honorent votre libre et intègre magistrature. Treize audiences ont été employées à l’examen des faits et à la formation lente de la conviction des juges. Le 3 janvier l’arrêt a été rendu à l’unanimité ; et à neuf heures du soir, en audience publique et solennelle, votre honorable chef-magistrat, le bailli de Guernesey, d’une voix brisée et éteinte, tremblant d’une émotion dont je le glorifie, a déclaré à l’accusé « que la loi punissant de mort le meurtre », il devait, lui John-Charles Tapner, se préparer à