amkoullel
Pour faire un résumé de son enfance, le mieux est encore de lui laisser la parole :
« Chaque fois que mon existence commençait à s’engager sur une belle voie bien droite, le destin semblait s’amuser à lui donner une chiquenaude pour la faire basculer dans une direction totalement opposée, faisant régulièrement alterner des périodes de chance et de malchance. Cela commença bien avant ma naissance, avec mon père Hampâté, qui aurait dû (et ses enfants après lui) hériter d’une chefferie dans le pays du Fakala, et qui se retrouva, seul rescapé survivant de toute sa famille, réfugié anonyme au fond d’une boucherie. Réhabilité par le roi même qui avait fait massacrer tous les siens, voilà qu’il meurt trop tôt pour que je le connaisse vraiment et que le sort fait de moi un petit orphelin de trois ans. Un riche et noble chef de province vient-il à épouser ma mère et à m’adopter comme héritier et fils présomptif, faisant planer au-dessus de ma tête le turban des chefs de Louta ? Patatras ! Nous nous retrouvons tous en exil et me voilà fils de bagnard. Enfin revenus à Bandiagara où la vie semble reprendre son cours normal, voilà que l’on m’arrache brutalement à mes occupations traditionnelles, qui m’auraient sans doute dirigé vers une carrière classique de marabout-enseignant, pour m’envoyer d’office à l’école des Blancs, alors considérée par la masse musulmane comme la voie la plus directe pour aller en enfer ! » (pp. 307-308, collection Babel)
Encore ne sont-ce que les premières années d’un destin décidément mouvementé, et tellement riche !