Analyse d'un extrait du refus global
Paul-Émile Borduas (1905-1960) est le signataire principal du Refus global (1948). Avant même d’exposer sa démarche artistique dans ce manifeste, il l’exprimait déjà par sa peinture (exposition appelée Peintures surréalistes en 1942) : il s’agit d’une peinture non-figurative qui vise à explorer et à illustrer l’univers intérieur de l’artiste. À l’instar de ce courant artistique, le Refus global exprime un engagement total des artistes, une volonté de rompre avec les valeurs traditionnelles et de s’inscrire dans un courant artistique global. Ce manifeste débute avec le texte éponyme Refus global, mais il constitue en même temps une forme d’anthologie, car il est suivi d’autres textes composés par quelques-uns de ces artistes dits automatistes. Les sujets touchés sont nombreux et celui qui contient la plus lourde portée contestataire et révolutionnaire est sans contredit le premier texte du recueil. Fort de ses multiples cosignataires, il y décrie l’emprise du clergé sur le peuple canadien-français, l’idéalisation de l’idéologie traditionnaliste du terroir et le culte voué à la noirceur intellectuelle, à l’ignorance.
Il s’agit d’un manifeste qui rejette en bloc non seulement les romans du terroir ou la modernité aliénante du travail industriel, mais surtout qui revendique aussi l’autonomie du discours poétique québécois. Les auteurs y dénoncent l’histoire du Québec comme une succession de colonisations qui ont aliéné la population (France, Angleterre, Vatican). Ils aboutissent au constat de la nature guerrière de l’homme (Deuxième guerre mondiale). Selon les automatistes, ce comportement belliqueux est le résultat d’une distorsion du cœur de l’homme qui fut trop longtemps asservi au culte de la raison et de la religion catholique. La seule manière de transformer la société en un monde meilleur, expliquent-ils, est de permettre à l’homme de retrouver sa nature propre, ses sentiments originels, et de les exprimer par