Cahiers de prison d'antonio gramsci
Bonnes feuilles de l'anthologie des Cahiers de prison d'Antonio Gramsci publiée par Razmig Keucheyan, sous le titre Guerre de mouvement et guerre de position (La Fabrique, 2012). Le texte qui suit est l'introduction au chapitre 5 de cette anthologie, qui inclut des textes des cahiers 13, 14, 15 et 25. Les cahiers qui suivent constituent un des sommets de la tradition marxiste, et de la pensée politique du XXe siècle en général. Gramsci se demande en ouverture du cahier 13 à quoi ressemblerait Le Prince de Machiavel (publié en 1532) s'il était écrit à son époque. Le « prince moderne » ne peut en aucun cas être une personne réelle, comme par le passé, ses qualités fussent-elles hors du commun. Ce ne peut être qu'un collectif, un « élément complexe de société », comme dit Gramsci. Ce collectif n'est autre que le parti, le parti communiste que Gramsci a consacré sa vie à construire. Le « prince » désigne des entités de nature différente au cours de l'histoire. À la fin du XVIIIe siècle, les jacobins sont une incarnation du « prince », qui n'est plus le souverain individuel de l'époque de Machiavel, mais pas encore le collectif complexe que sera un siècle plus tard le parti communiste. Une question intéressante serait de se demander quelle pourrait être la nouvelle incarnation du « prince » en ce début de XXIe siècle...
Le rôle du « prince moderne » est celui du prince à toutes les époques : unifier ce qui à l'état naturel tend à vivre dispersé, à savoir le peuple. C'est la fonction que Machiavel assignait au souverain de son temps, c'est celle que Gramsci attribue au parti communiste. Il s'agit de faire émerger du peuple (ou de certains secteurs de ce dernier) une « volonté collective », qui l'oriente vers la construction d'un « nouvel État », en déclenchant en son sein des dynamiques que Gramsci qualifie d' « universelles ». Bien des débats ont eu lieu chez les héritiers de Gramsci pour définir la nature exacte de cette « volonté