Candide
I. La tonalité ironique
II. Les cibles de la dénonciation
I. LA TONALITE IRONIQUE
Tout ce qui touche à la décision d'organisation de la cérémonie est présentée de manière apparemment élogieuse, avec une instance particulièrement admirative sur ce qui précisément ne mérite aucune admiration. On peut ainsi remarquer l'insistance sur la sagesse et le savoir ("les sages", "moyen plus efficace", "université de Coimbre", "il était décidé", "secret infaillible"). Elle se révèle sur plusieurs plans différents. C'est d'abord la logique, par les mots uniquement, de l'articulation qui réunit les paragraphes 1 et 2. Elle apparaît aussi toujours de manière contestable dans les chefs d'accusation qui sont donnés à propos des condamnés.
Les quatres raisons données ne sont pas acceptables mais s'intègrent dans un système de relation de cause à effets : après avoir épousé sa commère, avoir arraché le lard d'un poulet, avoir parlé et avoir écouté, sont présentés comme des raisons suffisantes pour condamner à mort les 5 victimes.
Comme dans le chapitre consacré à la guerre, Voltaire utilise ici un procédé de décalage ironique propre à attirer l'attention du lecteur. L'autodafé qui est une exécution est présentée sur le mode du spectacle. On peut relever l'utilisation d'un champs lexical d'esthétique : "bel autodafé", "spectacle", "grande cérémonie", "belle musique", "cadence". Il faut aussi remarquer tout ce qui relève du soucis de l'esthétique, dans la description qui est faite de l'apparence vestimentaire du condamné. Les précisions concernant les mitres (qui servent à orner), puis les san-benito insistent avec beaucoup de complaisance sur des détails présentés comme importants sur le plan visuel alors que leur signification est autre. Cette façon de procéder relève du processus de détournement : il consiste à valoriser ce qui est en réalité horrible en attirant l'attention sur ce qui n'est pas l'essentiel mais l'essentiel