Commentaire du sonnet ii de louise labé
O chaus soupirs, ô larmes espandues,
O noires nuits vainement atendues,
O jours luisans vainement retournez : O tristes pleins, ô desirs obstinez,
O tems perdu, ô peines despendues,
O mile morts en mile rets tendues,
O pires maus contre moy destinez. O ris, ô front, cheveus, bras, mains et doits :
O lut pleintif, viole, archet et vois :
Tant de flambeaus pour ardre une femmelle ! De toy me plein, que tant de feus portant,
En tant d'endrois d'iceus mon coeur tatant,
N'en est sur toy volé quelque estincelle. | 2Ô beaux yeux bruns, ô regards détournés, ô chauds soupirs, ô larmes répandues, ô noires nuits vainement attendues, ô jours luisants vainement revenus !Ô tristes plaintes, ô désirs obstinés, ô temps perdus, ô peines dilapidées, ô mille morts disposées en mille filets, ô pires maux qui me sont destinés !Ô rires, ô front, cheveux, bras, mains et doigts ! ô luth plaintif, viole, archet et voix ! tant de flambeaux pour brûler une femelle !Je me plains de ce que, alors que tu portais tant de feux, et que tu touchais mon coeur de ces feux en tant d'endroits, aucune étincelle n'en ait volé sur toi. |
Sonnet II extrait des Œuvres (1555)
Ce sonnet de Louise Labé observe un certain respect des règles de la forme fixe, genre de prédilection des poètes du XVIème. Composé de décasyllabes organisés en 2 quatrains, rimes abba/abba et 2 tercets ccd/eed. Louise Labé y exprime une plainte élégiaque : le poème est destiné à l’homme qu’elle aime mais qui ne l’aime pas. Comment la poétesse va-t-elle mettre le sonnet et l’imagerie poétique élégiaque et pétrarquiste au service de son état intérieur ? * Les deux quatrains sont construits sur le même schéma : les deux premiers décasyllabes = rythme ternaire : 3 mots – virgules- 3 mots- virgule / deux autres vers : rythme plus rapide. Tous commencent par le ô lyrique qui base l’anaphore majeure du poème : ce ô exprimant le regret et l’hommage appelle au