Diderot the ologien du recit pour Bordeaux
Diderot théologien du récit
Sur les chemins d’une lecture théologique de Jacques le Fataliste
Jacques le fataliste et son maître est un (non-)roman qui a suscité autant l’enthousiasme de la critique depuis le XXe siècle qui y voit l’expression d’un postmodernisme avant l’heure à travers la déconstruction même de l’illusion romanesque, qu’il soulève (trop) souvent la suspicion à force de prendre le lecteur de revers, de le surprendre et de refuser de s’enfermer dans une seule interprétation monologique. Œuvre dialogique et polyphonique : les voix raisonnent le long de cette voie spirituelle (via spiritualis) que Jacques et son maître arpentent dans un espace indéfini et dans un but non moins controversé.
La critique a souvent oublié, voire occulté pour des raisons idéologiques que l’on devine, que Denis Diderot a été destiné par ses parents à une carrière ecclésiastique, qu’il a été tonsuré à 12 ans par l’évêque de Langres, qu’il a été envoyé à la Sorbonne pour y suivre trois ans de théologie et deux ans de philosophie (religieuse) et qu’il y obtiendra le grade de maître en art. Refusant de servir l’institution catholique, probablement traumatisé par le destin tragique de sa sœur Angélique (1720-1749 engagée dans l’ordre des Ursulines, il gagne sa vie en rédigeant des sermons et sa culture religieuse se retrouve, bien entendu, dispersée dans ses grandes œuvres, notamment dans la traduction remarquée qu’il fait en 1745 de An inquiry concerning virtue or merit de Shaftesbury, philosophe théiste avec qui il semble partager beaucoup d’opinions.
Comment le non-roman de Jacques le Fataliste et son maître se révèle-t-il un pèlerinage menant la réflexion théologique vers un questionnement narratologique ?
La présente contribution propose justement une lecture narra-théo-logique de l’ouvrage afin de montrer comment Diderot réinvesti sa culture religieuse et ses idées philosophiques sous les espèces de la fable et du roman, remettant en