Droit et grands enjeux du monde contemporain - le pouvoir du juge normatif
Professeur à l'Université Montesquieu- Bordeaux IV
Que faut-il entendre par « pouvoir normatif du juge constitutionnel » ? Deux significations distinctes peuvent être proposées. Selon un premier sens, les juges créent le droit car l'interprétation de la Constitution ou de la loi est une opération non pas de reconnaissance de normes préexistantes, mais de production de normes nouvelles. Le résultat de l'interprétation correspond à la production d'une norme. Ainsi, le sens du texte n'est pas préexistant à l'activité interprétative, mais au contraire il en est le résultat. Puisque le juge doit choisir parmi les différents sens, il accomplit un acte de volonté dont la norme est la signification. Le texte ne contient pas un nombre infini d'interprétations possibles, mais il en existe plusieurs parmi lesquelles s'impose un choix subordonné en partie au système juridique de référence. La distinction entre norme (texte interprété) et disposition (texte à interpréter) est donc essentielle car le texte interprété n'est pas le même que le texte à interpréter (on remarquera que la Cour constitutionnelle italienne se réfère avec clarté à cette distinction dans son arrêt 84/1986). L'opposition entre application et création du droit se fonde sur l'absence de cette distinction et la croyance en un sens véritable du texte à interpréter. Des acquis de l'herméneutique juridique, il ressort que l'opposition traditionnelle entre application et création du droit est sans doute trop rigide. Mais il serait aussi inconséquent d'avancer qu'elle soit évanescente car « produire une norme » dans le sens d'interpréter un texte préexistant n'est pas identique à « produire une norme » dans le sens de formuler un texteex novo. Encore aujourd'hui, cette opposition structure avec constance le débat doctrinal et se révèle surtout lourde de conséquences