Fin de partie samuel beckett
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278 Séquence 5-FR01
En 1946, il doit se rendre pour des raisons personnelles en Irlande. Il se bat, en vain, pour faire éditer
Watt. Beckett a transposé dans le soliloque de Krapp, dans La Dernière bande (1959), la révélation que lui apporte une promenade nocturne :
« Spirituellement une année on ne peut plus noire et pauvre jusqu’à cette mémorable nuit de mars, au bout de la jetée, dans la rafale, je n’oublierai jamais, où tout m’est devenu clair. La vision, enfin.
(…) Ce que soudain j’ai vu alors, c’était que la croyance qui avait guidé toute ma vie, (…) clair pour moi enfin que l’obscurité que je m’étais toujours acharné à refouler est en réalité mon meilleur (…) – indestructible association jusqu’au dernier soupir de la tempête et de la nuit avec la lumière de l’entendement et le feu (…) »6
Beckett comprend alors que c’est cette « obscurité », ce magma des pensées et paroles intérieures, qui est la source de son inspiration créatrice. À Charles Juliet, il confie : « Il fallait (…) trouver le langage qui convenait », « rejeter tous les poisons », c’est-à-dire « la décence intellectuelle, le savoir, les certitudes qu’on se donne, le besoin de dominer la vie »7 ; « Jusque-là, j’avais cru que je pouvais faire confiance à la connaissance. Que je devais m’équiper sur le plan intellectuel. Ce jour-là, tout s’est effondré »8. Toute son oeuvre doit venir de lui-même, de son fond le plus intime, des souvenirs, du travail incessant de l’imagination, des ratiocinations9 ininterrompues. Il comprend qu’il ne fera jamais mieux émerger ce flot de paroles qu’à travers le monologue intérieur, sans autre intermédiaire avec le lecteur, et à travers lequel n’apparaissent que subjectivement, dans les déformations d’une conscience fiévreuse de ne pas répondre à la normalité, toutes les coordonnées extérieures (lieu, temps, décors…).
C’est alors une période très prolifique : Beckett commence directement en français Molloy et