Francis ponge l'huitre
Voilà le texte. Je le reprends. J'indique d'abord qu'il se divise, typographiquement, sur la page, en trois paragraphes.
Le premier décrit l'huître close et la façon de l'ouvrir. Le second, l'intérieur de l'huître et le troisième, beaucoup plus court et qui ne fait que deux lignes, la perle qu'on y trouve parfois beaucoup plus court, évidemment, le troisième, parce que la perle est proportionnellement beaucoup moins importante, du point de vue du volume, enfin de l'importance quantitative, que l'huître elle-même.
Donc, la division en trois paragraphes est déjà adéquate, si vous voulez, à l'objet.
« L'huître, de la grosseur d'un galet moyen, est d'une apparence plus rugueuse, d'une couleur moins unie, brillamment blanchâtre. »
Il y a là évidemment une sorte de comparaison, le rapport de l'huître et du galet. Mais traitée, notez-le, de la façon la plus froide ; enfin, il me semble. (Vous avez entendu aussi la façon dont je lis ce texte, c'est-à-dire sans faire de trémolos, sans tremblement sentimental.) On peut croire, en effet, qu'il s'agit d'une pure description. Je définis sa taille, « de la grosseur d'un galet moyen », son apparence : plus rugueuse, sa couleur: moins unie, brillamment blanchâtre.
Ici, j'insiste sur « brillamment blanchâtre ». Pourquoi ? Parce qu'il se trouve que les mots, quels qu'ils soient, même les mots abstraits, sont tous affectés d'un coefficient de valeur. C'est quelque chose d'un peu absurde, mais c'est comme cela.
En français actuel, « briller », « brillamment » est affecté d'un coefficient positif (comme valeur morale, si vous voulez, ou esthétique). C'est bien, d'être brillant ; c'est beau. Briller, c'est positif. C'est affecté d'un coefficient positif.
Au contraire, « blanchâtre », comme beaucoup de mots se terminant en « âtre », est affecté d'un coefficient négatif, péjoratif. C'est comme cela.