Gargantua thélème
C’est en 1534 que François Rabelais publie son premier récit mettant en scène le sage géant Gargantua. En cette période humaniste où l’homme est placé au centre de toutes les recherches artistiques et scientifiques, notre auteur, à travers ce récit humoristique et excentrique, propose une réflexion sur des sujets sérieux et préoccupants de son époque comme l’éducation, la religion, l’esprit de conquêtes. A la fin du récit le personnage principal veut récompenser son ami le moine Frère Jean des Entommeures, valeureux combattant, par la fondation d’une abbaye qui soit « au contraire de toute autre ». Rabelais présente par là une fiction d’un nouveau genre, l’utopie, par laquelle le précurseur, Thomas More, quelques années auparavant (Utopia, 1516) proposait sa vision d’une société idéale où règnent l’égalité et la justice. A la fin de Gargantua, est donc rassemblée dans l’Abbaye de Thélème une société acquise à cette règle : « Fais ce que tu voudras ».On peut se demander ce qui pourra permettre la réussite d’une vie sociale fondée sur ce précepte libertaire. Pour répondre à cette question nous allons nous intéresser aux personnes qui composent la société choisie ; puis nous relèverons les principes moraux qui régissent l’organisation du groupe ; et enfin nous nous demanderons quelles finalités peuvent rechercher les Thélémites.
Les invités qui fréquenteront l’abbaye semblent appartenir à une élite sociale sélectionnée : ils sont d’ailleurs « bien nés », c'est-à-dire qu’ils font partie de l’aristocratie, cet ensemble de familles installées dans l’histoire par un passé méritant récompensé par les pouvoirs en place. Ainsi ils n’ont aucune peine à s’intégrer dans les activités traditionnelles de cette aristocratie : la chasse, les jeux, les mondanités. Rabelais évoque ainsi curieusement les époques passées, un Moyen Age idéalisé dont on retrouve ici les caractéristiques culturelles et la recherche de