Hannah arendt corrige
Faut-il souhaiter la disparition du travail ? Faut-il voir dans l’automatisation des tâches, permise par le progrès scientifique et technique, un moyen de l’accomplissement humain – elle rendrait possible un affranchissement de l’asservissement à la nécessité -- ? Ou faut-il l’interpréter comme un menace pour la condition humaine, étant donné les transformations sociales advenues à l’époque moderne ? Rêve ou cauchemar ?
C’est à une remise en cause de l’espoir engendré par cette nouvelle forme de production – nous dirions plutôt « robotisation » - que nous invite Hannah Arendt dans cet extrait de La Condition de l’Homme Moderne, en soulignant le caractère mystificateur d’une interprétation optimiste où la fin du travail équivaudrait à un progrès de la liberté.
En un premier moment l’auteur expose une conception courante à l’époque au sujet des effets apparents et attendus de l’automatisation : le progrès technique rendrait probable la réalisation d’un des souhaits les plus anciens de l’humanité -- se libérer du fardeau du travail, des peines du labeur -- ce qui jusqu’alors n’était possible que pour une minorité de privilégiés.
Un second moment fait apparaître que ce n’est qu’une illusion, une mystification . Pour justifier cette thèse et comprendre l’appréciation pessimiste de la fin « On ne peut rien imaginer de pire », il est nécessaire de prendre en compte les transformations sociales advenues : du côté de la théorie , une glorification du travail, du côté de la pratique, une société de travailleurs, égalitaire – c’est l’égalisation des conditions - . Le travail, pensé comme simple moyen de gagner sa vie, est devenu l’activité fondamentale au détriment de l’œuvre ou de l’action corrélativement à la disparition d’aristocraties politique ou spirituelle. On pressent alors que le temps libéré, celui d’un loisir désoeuvré, apparaisse plutôt comme l’occasion d’une nouvelle aliénation que