Imbrication du comique et du tragique dans fin de partie
A la différence du théâtre Shakespearien qui a toujours refusé la séparation des registres comique et tragique, le théâtre classique français, héritier de la théorie d'Aristote, sépare radicalement comédie et tragédie. Victor Hugo, dans la préface de Cromwell en 1827, invente le genre du drame, qui mêle tragique et grotesque. Le théâtre de l'absurde va plus loin dans la remise en cause de cette frontière rigide entre deux sous-genres et deux registres généralement opposés, pour penser leur circularité : « Rien n'est plus drôle que le malheur » dit Nell à Nagg. Aussi, en quoi peut-on dire que Fin de partie emprunte à la fois à la comédie et à la tragédie ? En quoi la pièce montre-t-elle l'imbrication du tragique et du comique ?
I] Fin de partie, tragique et tragédie
Il faut bien distinguer la notion de tragique, registre qui suscite terreur et pitié face au spectacle d'un personnage en proie à un conflit inévitable et insoluble en raison de la fatalité, et celle de tragédie comme genre défini par des règles dramaturgiques strictes.
Fin de partie joue avec le souvenir des règles structurelles de la tragédie. Beckett respecte la règle des unités : en effet, la pièce se déroule dans un lieu unique, et le temps des personnages est le même que celui des spectateurs. Beckett joue également avec la règle des bienséances et de son corrélat, le récit dans le théâtre, qui permet d'éviter de montrer sur scène « ce qu'on ne doit point voir » (Boileau). Ainsi, l'accident de tandem de Nagg et Nell n'est pas montré, mais raconté, bien que de manière très elliptique. Nell meurt sur scène, mais à l'abri des regards, et c'est Clov qui en rend compte. De même, l'enfant qui apparait à la fin de la pièce comme seul et ultime évènement, n'est présent que dans le récit de Clov.
La vision d'un monde qui avance inéluctablement vers la mort est tragique. L'histoire du peintre fou, qui voit des cendres en lieu et