Joyce
Ulysse, naufragé de conte oriental... par Nicole Genaille
Les égyptologues ont, dès sa découverte, signalé la relation d'un conte égyptien, dit Le Conte du naufragé, avec l’épopée homérique, particulièrement avec l’épisode des Phéaciens1. La découverte de l'Epopée de Gilgamesh a suscité, cette fois de la part des sémitologues, d’autres rapprochements. Les hellénistes, pourtant, ont hésité à intégrer les données ainsi proposées dans leurs recherches portant sur ce texte fondateur qu’est pour la littérature occidentale l’Odyssée, texte à la fois si étudié et si mystérieux2. Dans sa thèse intitulée Genèse de l’Odyssée. Le fantastique et le sacré, Paris, 1954, Gabriel Germain a utilisé, tantôt avec enthousiasme (Gilgamesh), tantôt avec une certaine réticence (Le Naufragé3), mais toujours avec prudence, les sources orientales ainsi offertes aux recherches homériques. Son analyse, fine et nuancée, illustre combien l’Odyssée, à la différence de l’Iliade, se fonde sur le conte, qu’il soit oriental ou indo-européen, et, à travers lui, sur mythes et rites anciens, en les associant dans une belle unité. En tant qu’helléniste et égyptologue, je ne peux que souscrire à cette manière de voir. Je voudrais présenter ici mon interprétation des rapports entre le Naufragé et l’Odyssée, qui, sur plusieurs points, enrichit les analyses antérieures, et qui ouvre des perspectives littéraires sur les rapports entre les textes égyptiens et l’épopée homérique. L’histoire du naufragé égyptien se résume facilement : au cours d’une navigation en Mer Rouge, il essuie une tempête, et s’échoue sur une île, tandis que son équipage est noyé. Il trouve sur cette île un serpent géant, qui lui prédit son retour, et qui le comble de cadeaux lorsque arrive, comme prévu, le navire qui doit le ramener en Egypte. Jusqu’ici, peu de rapports avec l’Odyssée, sinon la tempête dont ne survit que le héros, mais c’est banal, bien que le conte égyptien en soit peut-être