Julien gracq, un balcon en forêt
En 1958, Julien Gracq publie Un Balcon en forêt, récit romanesque sur la « drôle de guerre », lorsque, en 1939-1940, les soldats français attendirent pendant plusieurs mois l’offensive allemande qui ne venait pas. Le personnage principal, le capitaine Grange, a été envoyé dans un chalet fortifié, en pleine forêt, à proximité de la frontière belge, sur une hauteur dominant la Meuse. En ce lieu solitaire, l’officier et ses hommes perdent le contact avec les contraintes de la réalité. Cet oubli lui procure un intense bonheur.
L’extrait proposé se situe à la fin du roman, quand Grange, blessé par une balle allemande, essaie de revenir au fortin. Ce texte narratif nous rapporte les difficultés rencontrées par l’officier lors de son retour. Sa tonalité est pathétique parce que le personnage souffre physiquement et moralement ; elle est également tragique car le héros croit qu’il va mourir. Le lecteur peut partager les sentiments d’un individu qui lui ressemble, il est invité à pénétrer dans la conscience d’un être qui côtoie la mort.
Nous nous attacherons à montrer l’expérience humaine étonnante que vit un soldat blessé. D’abord nous examinerons dans quelles circonstances se déroule cette épreuve, puis ce qu’elle provoque chez ce personnage banal avant de se muer en un rêve éveillé surprenant.
Développement
A – Une scène nocturne prenante
Quelques éléments descriptifs créent une atmosphère angoissante
* La scène se déroule dans une forêt, celle des Ardennes. La végétation est exploitée en taillis, il s’agit donc de rejets serrés, de plus les arbres forment une voûte (2 fois). Grange a donc l’impression d’être emprisonné entre des murs et un plafond sylvestres. * Cette impression d’enfermement est accentuée par l’absence de lumière : un « sentier noir », des « ténèbres épaisses », « des trous invisibles ». Grange se reproche d’avoir oublié sa « lampe électrique », si bien que « la nuit devant lui s’étendait » comme un couloir «