kuyfgted
André Durand présente
‘’Les ponts’’
Poème de RIMBAUD
« Des ciels gris de cristal. Un bizarre dessin de ponts, ceux-ci droits, ceux-là bombés, d'autres descendant ou obliquant en angles sur les premiers, et ces figures se renouvelant dans les autres circuits éclairés du canal, mais tous tellement longs et légers que les rives, chargées de dômes, s'abaissent et s'amoindrissent. Quelques-uns de ces ponts sont encore chargés de masures. D'autres soutiennent des mâts, des signaux, de frêles parapets. Des accords mineurs se croisent et filent, des cordes montent des berges. On distingue une veste rouge, peut-être d'autres costumes et des instruments de musique. Sont-ce des airs populaires, des bouts de concerts seigneuriaux, des restants d'hymnes publics? L'eau est grise et bleue, large comme un bras de mer. - Un rayon blanc, tombant du haut du ciel, anéantit cette comédie. »
Analyse
Le texte paraît bien inspiré par une vision de Londres, la ville étant évoquée par le terme de « canal » (« Regent's canal », « Grand Junction canal », etc.), et aussi par la dimension de ces ponts « tellement longs et légers » : « Ils n'en finissent pas, les ponts », écrivit Nouveau en 1874. Pour « quelques-uns de ces ponts sont encore chargés de masures », on s’est demandé si Rimbaud ne s'est pas inspiré d'une ancienne gravure, les dernières maisons bâties sur le Pont de Londres ayant été démolies au XVIIIe siècle ; sur les gravures où on les voit représentées figurent aussi des « dômes » dont celui de la cathédrale Saint-Paul. « L'eau », « large comme un bras de mer » est évidemment la Tamise.
Le texte est un véritable tableau impressionniste qui peut être rapproché de ‘’View of Lyons’’ de Turner, grand paysagiste anglais, qui donna une importance particulière au ciel et à l'eau. Dès la première phrase, on est plongé dans le monde de la peinture où l’on emploie justement ce pluriel particulier, « ciels ». Puis s’impose « un