La chanson du mal-aimé
“La chanson du mal-aimé” commémorait le premier amour, à vingt ans, d’Apollinaire pour l’Anglaise Annie Playden qu’il avait rencontrée en Allemagne. Le poème se comprend si on a présente à l’esprit la chronologie des événements qui marquèrent cette relation : en 1901-1902 se déroula leur idylle rhénane («L’année dernière en Allemagne» [vers 59] est 1902) ; en particulier, en avril 1902, le dimanche de «Laetere un an passé», quatrième dimanche du carême, a été un jour d'euphorie, où tout invita les deux jeunes gens à l'amour, où, en tout cas, le poète crut son amour partagé. Persuadé qu’elle l’attendait, il revint en Allemagne en août 1902 mais elle était repartie en Angleterre. En novembre 1903, il alla lui rendre visite à Londres (début du poème) ; à sa grande déception, il s’aperçut qu’elle était des plus réticentes. Ce fut à ce moment, fin 1903, qu’il composa l’essentiel de “La chanson”, en tout cas certainement tout le début. En mai 1904, concevant quelque espoir, il fit un second voyage à Londres, mais se brouilla définitivement avec la jeune fille qui partit aux États-Unis. Il rentra à Paris (vers 90) et y traîna sa mélancolie en juin 1904 (vers 131). C’est donc seulement après cette date que “La chanson du mal-aimé” a été terminée.
Cependant, la tristesse du poète devait s’effacer peu à peu et, lui qui, en amoureux sincère, croyait toute possibilité d’amour à jamais brûlée en lui, en mai 1907, rencontra Marie Laurencin et se lia à elle, d’où l’épigraphe qu’il donna au poème quand il le publia en 1909 : «Et je chantais cette romance En 1903 sans savoir Que mon amour à la semblance Du beau Phénix s’il meurt un soir Le matin voit sa renaissance».
En fait, l'année 1903 est la date de la déconvenue amoureuse et non pas celle du poème lui-même. Il aurait chanté sa complainte dès cette année-là mais ne lui aurait donné une forme littéraire qu'à partir de juin 1904 (voir la strophe 55). Quant à l’amour de