La croissance rend-elle heureux ? Andrew Clark* et Claudia Senik∗∗ Ecole d’Economie de Paris et Cepremap
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Le Produit Intérieur Brut est-il un bon indicateur de bien-être ; faut-il tendre à accroître le revenu national ? Aucune théorie ne prescrit la recherche du taux de croissance maximal ; même la création d’emplois, effet évident de la croissance, peut être atteinte par d’autres moyens. Et de nombreuses voix s’élèvent de manière chronique contre l’objectif de croissance, accusant cette dernière de dilapider les ressources épuisables, de ne pas coïncider avec le développement et finalement de ne pas être porteuse de bien-être. Une certaine vision relativiste prétend ainsi que l’homme n’est pas plus heureux dans les pays développés qu’il ne l’était dans les sociétés rurales et traditionnelles plus solidaires, plus intégrantes. Un autre regard sceptique observe avec ironie les vains efforts des individus pour s’élever au-dessus de leurs pairs, de leurs voisins, ou de leur groupe de référence quel qu’il soit. Issue de cette course-poursuite au revenu relatif, au statut, à la consommation ostentatoire, globalement vouée à l’échec par définition, la croissance ne reflèterait qu’un arbitrage regrettable a posteriori en faveur du travail et de la consommation, et au détriment du loisir. Si certains modèles théoriques démontrent la possibilité d’une croissance réductrice de bien-être1, d’un point de vue pratique la question est de savoir si, de fait, la croissance satisfait les désirs des agents ou si elle ne constitue qu’un gaspillage de loisir et de ressources. On voudrait donc connaître les motivations intrinsèques des agents, la raison pour laquelle ils produisent toujours davantage et la satisfaction qu’ils retirent réellement de l’élévation de leur revenu.
Des données d’un type nouveau
Dans cette perspective, l’une des voies que les économistes recommencent à explorer, après une première percée dans les années 19702, consiste s’écarter de la méthode des préférences révélées par l’action pour analyser les données
« subjectives », c’est-à-dire les