La formation de l'etat
Entrétien avec François Ewald
Le dernier entretien de l'historien Georges Duby (1987) gentilment cedé par le Magazine Littéraire à Paris
Hachette se donne son «Histoire de France». Cinq volumes confiés aux historiens les plus prestigieux: Georges Duby pour le « Moyen Age », Emmanuel Le Roy Ladurie pour «l'Etat royal» (1460-1610) et « l'Ancien Régime » (1610-1771), François Furet pour « la Révolution » (1882-1884), Maurice Agulhon enfin pour « la République » (1882-1987). Les deux premiers volumes viennent de paraître, somptueux, grands formats, pleins d'une superbe iconographie. Avant de s'y aventurer, un réel plaisir pour les sens. Caractéristique de cette «Histoire de France»: elle renoue avec le politique, l'événementiel même longtemps proscrit selon les canons de la Nouvelle Histoire. Il s'agit de suivre, depuis sa naissance au Xe siècle, la formation de l'Etat moderne, en privilégiant, selon l'hypothèse déjà formulée par Toqueville, l'idée d'une insistante continuité sous les ruptures apparentes de la chronologie. Chaque volume est un livre d'auteur. Le «je» n'y est pas interdit. Aussi bien la conception de chacun varie-t-elle d'un ouvrage à l'autre. Georges Duby prend les choses quand le royaume des Francs devient le royaume de France. Il n'y a plus d'Etat; la France et couverte d'une multiplicité de seigneuries. Et l'on assiste, à travers luttes et conflits, sur la base des structures matérielles, à la première constitution avec Philippe Auguste de l'appareil monarchique qui construira l'Etat français. De la belle ouvrage, assise sur la plus grande maitrise documentaire, et pourtant incessamment traversée par les scrupules d'un philologue attentif à restituer aux monuments qui nous restent le sens qu'ils avaient pour ceux qui les vivaient.
Q - Pourriez-vous expliquer le projet qui sous-tend cette volumineuse «Histoire de France» dont les deux premiers volumes viennent de paraître?
Georges Duby - Cette