La loi pourrait-elle se passer de juge?
La loi n'est juste que si elle est la même pour tous. Son application aveugle et mécanique paraît l'égalité des individus vis-à-vis d'elle en éliminant les préférences. Pourrait-elle pour autant se passer de juges ? Il s'agit de s'interroger sur la nature de la loi et la fonction des juges pour leurs rapports. Il est en effet douteux que la première puisse se passer des seconds car elle ne s'applique pas seule. Il ne peut exister de lois permettant d'appliquer les lois, car cela irait à l'infini : il devrait en exister une nouvelle expliquant comment appliquer la précédente, ainsi de suite. La loi ne suffit donc pas à tout régler ; il faut la distinguer de son application, qui est un acte de l'esprit rendant indispensable la présence des juges. Le problème est alors de savoir si ceux-ci doivent seulement appliquer les lois, ou s'ils peuvent parfois les corriger, les interpréter, pour rendre justice en leur âme et conscience. La loi pourrait-elle se passer de juges, parce que son application systématique est une garantie de justice ? Ou est-ce impossible, parce que ce n'est pas à elle, mais au juge de dire ce qui est juste ? Ces questions portent sur la justice et le droit. Mais elles ont aussi une signification morale, car il existe des lois inscrites en chacun de nous, comme dans la nature en général. Qui peut donc dire ce qui est juste ? Que nous dit notre conscience ? Notre vie n'est-elle pas notre meilleur juge ?
I. Les juges devraient se passer de lois
Ce n'est pas aux lois de se passer de juges, mais aux juges de se passer de lois selon Platon, qui veut établir « la légitimité d'un gouvernement sans lois » (Le Politique, 293e). Les juges pourraient ainsi tenir compte des particularités de chaque cas et leur jugement n'en serait que plus juste, au sens d'exact. Platon remarque en effet que les lois sont des formules abstraites et générales. Il ne peut exister autant de règles que de cas, car cela irait à l'infini, si bien que le législateur qui