On a traditionnellement défini l'homme comme un animal rationnel (doué de raison et prenant part à des activités rationnelles), ou encore comme un être raisonnable (capable d'user de raison pour modérer ses penchants). Cette définition de l'homme par la raison ne procède pas simplement du simple constat. Elle constitue également un postulat qui fonde l'égalité des droits auxquels tous les hommes peuvent prétendre. C'est en effet par définition, par principe, que l'homme est un "être de raison". Cette identité rationnelle de l'humanité garantit la possibilité de normes morales universelles. La raison se présente ici comme une capacité, une faculté, ou encore une puissance, commune à tous les êtres humains. Mais en elle-même, comment la définir ? Le philosophe Hume la conçoit comme un "merveilleux et inintelligible instinct de nos âmes", qui unit l'homme à la nature. D'un autre point de vue, il est possible de considérer, comme le fait Kant, que la raison élève l'homme infiniment au dessus des autres créatures vivantes. En outre, la raison n'est pas seulement une disposition humaine ; elle est aussi ce qui semble régler et animer l'univers dans son ensemble.
C'est en ce sens que l'on peut parler d'une sorte de mystère de la raison. Comment et pourquoi nos catégories rationnelles peuvent-elles s'appliquer aux catégories de l'expérience ? La raison serait-elle un principe d'organisation commun à l'univers et à la pensée, ou n'est-elle qu'une norme régissant les opérations de l'esprit humain ? Ou bien encore un idéal d'intelligibilité qui guide nos recherches et oriente nos actions et nos spéculations ? Ce qui est certain, c'est que l'efficacité, même partielle, de nos facultés rationnelles témoigne d'une correspondance, ou tout au moins d'une analogie, entre nos structures intellectuelles et l'organisation de l'univers. Cette corrélation ne peut cesser de nous étonner. Et la conquête du monde par la raison constitue un sujet d'émerveillement - en dépit des réserves