La société sans père ou le règne de narcisse
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Paradoxalement, la privatisation de la famille est allée de pair avec son invasion par l’« appareil thérapeutique » des techniciens et des experts, conseillers et psychologues. Cette « colonisation du monde vécu » sous prétexte de rationalisation de la vie quotidienne a renforcé tout à la fois la médicalisation de l’existence, la déresponsabilisation des parents, et les capacités de surveillance et de contrôle disciplinaire de l’Etat. Dans une société considérée comme en dette perpétuelle vis-à-vis des individus, dans une république oscillant entre le mémoriel et le compassionnel, l’Etat-Providence, affairé à la gestion lacrymale des misères sociales par le biais d’une cléricature sanitaire et sécuritaire, s’est transformé en Etat maternel et maternant, hygiéniste, distributeur de messages de « soutien » à une société placée sous serre. C’est cette société dominée par le matriarcat marchand qui s’indigne aujourd’hui du virilisme « archaïque » des banlieues et s’étonne de se voir méprisée par lui.
Mais tout cela n’est évidemment que la forme extérieure du fait social, derrière lequel se dissimule la réalité des inégalités salariales et des femmes battues. La dureté, évacuée du discours public, revient avec d’autant plus de forces en coulisses, et la violence sociale se déchaîne sous l’horizon de l’empire du Bien. La féminisation des élites et la place prise par les femmes dans le monde du travail ne l’a pas rendu plus affectueux, plus tolérant, plus attentif à l’autre, mais seulement plus hypocrite. La sphère du travail salarié obéit plus que jamais aux seules lois du marché, dont le but est d’accumuler à l’infini de lucratifs retours sur investissements. Le capitalisme, on le sait, a constamment encouragé les femmes à travailler afin d’exercer une pression à la baisse sur le salaire des hommes. A l’heure actuelle, 80 % des 3, 4 millions de personnes qui travaillent en France pour un salaire inférieur au Smic sont des femmes.
Toute société tend à