La lettre anonyme de marguerite dunard de jean-jacques rousseau
Le 15 février, M. Lenard trouva dans son courrier matutinal une carte-lettre. Il en examina la date pour prendre en défaut le lieu d’expédition, pour accuser les compagnies de chemins de fer, et les signatures pour critiquer ses amis, et il fut déçu. La lettre était anonyme, et rien ne la situait, ni dans le temps ni dans l’espace.
« Monsieur Lenard, y disait-on seulement, Madame votre épouse vous trompe. Vous êtes maintenant le seul à l’ignorer.
Faites un signe, un signe …afficher plus de contenu…
La clarté de sa lampe était trop large ; son feu trop étroit. Parfois, à voir passer une jolie femme qu’il ne devait jamais connaître, dont son cœur portait déjà le deuil, il la saluait comme on salue un enterrement. L’une lui répondait d’ailleurs aussi rarement que l’autre. Les grands changements de la vie, s’ils viennent quelquefois au moment où on les désire le plus, arrivent cependant sans qu’on s’en aperçoive, comme le sommeil. M. Lenard se trouva un beau jour fiancé à Jenny qui était modiste.
Jenny s’appelait en réalité Eugénie. Mais la …afficher plus de contenu…
En un mot,
Mme Lenard le trompait-elle ?
Il l’observa. Elle n’avait point modifié l’heure de ses allées et venues. Il la gronda sans raison pour voir. Elle n’hésita point à se mettre en colère. Il énuméra, comme par hasard, quelques plats préférés. On lui servit du veau qu’il abhorrait. Tout cela le rassura, et c’est pourquoi, un beau jour, il résolut de la suivre.
Il la suivit jusqu’au Jardin des Plantes.
Et c’est ici que s’arrête l’histoire. M. Lenard, entre l’otarie et les flamants, vit un jeune homme s’approcher de sa femme. Il salua le premier. Elle sourit la première. Et M. Lenard apprit ainsi que les énigmes de notre passé, quand vient le malheur, savent prendre une vérité rétrospective.
JEAN