Le chien dans fin de partie
Ne sommes-nous pas dessaisis d'une partie de notre “moi” personnel à partir du moment où le langage est inapte à traduire nos sensations et nos pensées si ce n'est dans une perspective universelle ? En ce sens, à quoi sert-il de penser, de réfléchir, de ressentir si rien ne permet de partager le fruit de notre individualité, de notre singularité, avec nos alter ego ?
Bergson poursuit son raisonnement et jette l'idée que nous “n'apercevons de notre état d'âme que son déploiement extérieur”. Il semblerait donc que nous saisissions seulement l'aspect extérieur, c'est-à-dire, les répercussions physiques et morales des sentiments, sans les saisir dans toute leur unicité, et sans même les comprendre totalement. Il faut entendre dans “état d'âme” l'état d'humeur, l'âme est considérée comme “élément de cohésion du corps”. (On parle parfois d'“esprit”.) Pour l'auteur, nous ne faisons que saisir l'aspect “impersonnel” des sentiments, c'est-à-dire, les sentiments, une fois qu’ils sont devenus conscients. [...]
Bergson, philosophe majeur de la première moitié du XXe siècle, consacre ici une partie de son ouvrage “Le Rire”, à l'étude du langage, et plus précisément des “mots”, et leurs significations ainsi que les conséquences morales qui en découlent. À première vue, le langage serait un ensemble de signes linguistiques, de mots, socialement institués pour décrire le monde extérieur, et exprimer un certain nombre de