Les ouvriers du livre
La corporation des typographes a formé, dès les origines de l’imprimerie, une élite ouvrière très consciente de ses capacités et remarquablement organisée. Ayant derrière elle un long passé de lutte et de participation aux mouvements sociaux, cette famille professionnelle a été, en France comme dans les autres pays occidentaux, l’une des premières à s’unifier pour faire face aux conditions créées par la montée de la société industrielle. Dès 1881 - ‘année même de la loi sur la presse, mais antérieurement à celle de 1884 sur les syndicats - se constituait la « Fédération française des Travailleurs du Livre» à laquelle adhérèrent progressivement la quasi- totalité des salariés des imprimeries et des industries annexes. A l’avant-garde du mouvement ouvrier cette union de syndicats développa ses propres institutions de solidarité (caisse de secours et de retraite, soutien aux chômeurs, fonds de grève, etc.) mais fut aussi active, dès l’origine, dans les Bourses du Travail et les autres tentatives de regroupement qui devaient aboutir, à partir de 1895, à la Confédération générale du Travail. Avec les cheminots, les ouvriers du livre en furent même les agents décisifs. Par la suite, leur fédération est toujours restée au sein de la C.G.T., lors des scissions qui intervinrent du fait des communistes en 1921 ou des anticommunistes en 1947. Toutefois cette fidélité à la majorité ouvrière n’a pas emp&hé le maintien d’une personnalité marquée. Longtemps caractérisé par son réformisme proudhonien, et critiqué pour cela par les révolutionnaires, le Livre a évolué ensuite vers une forme quelque peu corporatiste de l’anarchisme. En bref, sans marchan&r leur appui aux autres branches ni jamais renier leur appartenance prolétarienne, les typographes ont affirmé une autonomie de fait qui les a toujours poussés à être non seulement seuls juges de leurs intérêts mais de la meilleure manière de les défendre. En règle générale, ils ont préféré les méthodes de la