Lettres portugaises guilleragues
Le terme de « passion » ,dans les Lettres portugaises , est à concevoir selon son sens étymologique : patior «Souffrance » et non comme un équivalent approximatif de « l’amour », dont il ne serait qu’un vague superlatif. Ainsi, la passion se veut douloureuse, notamment par la multitude de sentiments paradoxaux qu’elle fait naître chez l’être passionné qui n’est que le jouet de forces contradictoires contre lesquelles il tente en vain, de lutter. Dès lors, on conçoit que Mariane, parvenue au comble de la détresse amoureuse et déchirée par mille mouvements contraires, multiplie les paradoxes qui s’expriment, entre autre, au travers de nombreuses formules antithétiques, présentes tout au long de ses lettres: «je voudrais bien ne vous avoir jamais vu »suivi, tout de suite après de « j’aime bien mieux être malheureuse en vous aimant, que de ne vous avoir jamais vu » ou encore: «Je suis résolue à vous adorer toute ma vie/ je suis obligée à vous haïr mortellement… »mais aussi par l’utilisation d’oxymores telle qu’ « un plaisir funeste ».
Par ailleurs, dans l’absence de l’être aimé, la solitude et la claustration, Mariane est amenée à multiplier les illusions et se réfugie dans des souvenirs, pour la plupart, sublimés ou fantasmés.
Cette fuite dans les illusions, entièrement volontaire, permet à la jeune femme de prolonger un passé heureux en une éternité virtuelle de bonheur, mais aussi de fermer les yeux sur sa mauvaise fortune et la dure réalité (le départ sans retour de son amant)qui, chaque jour apparaît comme de plus en plus évidente et dont elle est finalement, tout à fait consciente. D’ailleurs, le temps d’un bref instant de lucidité, la religieuse avouera: « cesse, cesse , Mariane infortunée, de te consumer vainement, et de chercher un amant que tu ne verras jamais… »,cependant, tout de suite après, la jeune femme écrira : « je suis trop intéressée à vous justifier: je ne veux point m’imaginer que vous m’avez