Montaigne et la Nature humaine
Montaigne ne nie pas la vérité, mais il doute qu’elle soit accessible à l’homme seul. C’est un sceptique qui a choisi pour devise : « Que sais-je ? », et pour emblème une balance. Mais ce n’est pas une raison de désespérer.
Il s’agit de se résoudre à la condition humaine, d’accepter sa misère : son horizon est le devenir et non l’être. Dans un instant, le monde aura changé, et moi aussi. Dans les Essais, le registre de ce qui lui arrive et de ce qu’il pense, il se borne à noter combien tout change tout le temps. Montaigne est un relativiste. On peut même parler de perspectivisme : à chaque moment, j’ai un point de vue différent sur le monde. Mon identité est instable. Montaigne n’a pas trouvé de « point fixe », mais il n’a jamais cessé de chercher. 2. La nature humaineA. Le moi et les passions humaines
L’homme est «un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant». Nous ne sommes pas tous les mêmes, mais nous possédons tous, du moins à l’état naissant, toutes les tendances humaines. L’humanité en nous, c’est ce pouvoir de comprendre chaque homme en le devenant: «J’essaie de chausser son âme à mon biais», dit Montaigne.
La retraite est l’intimité de la conscience*. Ce que l’homme a de plus personnel, c’est ce qu’il a de plus universel. Par la conscience, nous sommes semblables; c’est qu’elle est un pouvoir de juger de toutes choses selon l’universelle nature humaine.
Montaigne ne juge pas des passions en mauvaise part; c’est qu’elles sont humaines. L’homme, composé d’âme et de corps, a par nature des passions qu’il faut observer sans condamner. Pour les connaître, il faut les ressentir, mais plus elles sont puissantes, plus