Normativitéde la loi
Professeur à l'Université de Paris X-Nanterre
Le 21 avril 2005 1, le Conseil constitutionnel déclare pour la première fois contraire à la Constitution une disposition législative qu'il juge « manifestement dépourvue de toute portée normative ». Il se fonde sur un considérant de principe énoncé quelques mois auparavant 2, selon lequel il résulte de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (« La loi est l'expression de la volonté générale ») ainsi que de « l'ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l'objet de la loi » que, « sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution », « la loi a pour vocation d'énoncer des règles et doit par suite être revêtue d'une portée normative ».
Ce n'était pas la première fois que le Conseil constitutionnel se penchait sur la question de la normativité des dispositions législatives ou figurant en annexe des lois. Depuis 1982 3, il a pris l'habitude de relever l'existence de dispositions dépourvues « de tout effet juridique » 4, de « contenu » 5, d'« effet » 6 de « caractère » 7 normatif, ou encore de « portée » 8 ou de « valeur » 9 normative. Toutefois, jusqu'au 21 avril 2005, le Conseil n'avait jamais censuré de telles dispositions, et ce d'autant moins que jusqu'à cette date, il estimait que les auteurs de saisine ne sauraient utilement invoquer l'inconstitutionnalité d'une disposition non normative.
Cette évolution jurisprudentielle a été préparée. Fustigeant les lois bavardes et incantatoires, le Président du Conseil constitutionnel émettait, lors de son discours de vœux pour l'année 2005 10, un avertissement clair: « Le Conseil constitutionnel est [···] prêt à censurer désormais les neutrons législatifs ». La traque annoncée s'inscrit plus vastement dans une campagne de vigilance accrue sur la qualité de la production législative