Nouvelle d'ambiance
L’horreur brute, dégoulinante et glacée lui mordait l’échine, et farfouillait ses entrailles de ses longs doigts secs. L’horreur âcre, puante et tiède le noyait dans des senteurs d’humus et de pourriture, et l’étranglait d’une main acide. Il ouvrit les yeux. Il était au milieu des bois, étalé dans les feuilles mortes, le corps trempé de sueur. Une douleur fulgurante le déchira en deux au niveau de la ceinture et se dilua dans la fraîcheur apaisante de la nuit qui s’achevait.Comme un mauvais rêve trop réel s’estompe dès le réveil, l’horreur qui le torturait un instant auparavant avait fait place à une paix singulière. Puis son corps le rappela à la réalité. Douleurs. Nausée. Vertige. Il se leva en s’appuyant à un tronc. Il eut envie de sangloter mais se contenta de cracher un long filet de salive poisseuse et aigre. La torpeur ouatée qui l'enveloppait s’était effilochée et il se concentra pour rassembler ses souvenirs...Ils avaient vidé quelques bières entre bucherons, et chacun était rentré chez soi. Lui s’était attardé au comptoir parce que personne ne l’attendait. Il avait bu jusqu’à la fermeture, puis s’était acheté à la station service des sandwiches emballés sous vide et une bouteille de gin pour finir la nuit devant la télévision.Assis dans son pick-up, il avait trituré sur son trousseau de clefs le double que Johanna lui avait donné l’été précédent, lorsqu’il était le bienvenu chez elle. Il ne le lui avait jamais rendu, malgré une rupture houleuse et définitive, sans doute dans l’espoir un peu vain de pouvoir un jour s’en servir à nouveau. Il avait démarré, mais au lieu de retourner vers son studio, il avait pris le chemin du chalet qu’elle habitait.Il avait longtemps fixé la silhouette noire de la façade sans que rien ne bouge, ignorant si Johanna était chez elle en train de dormir ou partie faire la fête comme elle aimait tant. Sans doute même avec un autre homme. Ou peut-être y avait-il un gars chez elle, mais il ne voyait pas d’autre