Oeuvre au noir
Quant au titre, dire qu'il en est évocateur est un euphémisme. Pour mémoire, rappelons que dans l'alchimie, la couleur rouge est le résultat du noir et du blanc, diamétralement opposés. L'uvre au rouge (Rubedo) est le stade ultime de la transmutation de la matière originelle. Cette matière originelle, l'Azoth, passe de l'état de noirceur (Nigredo) à celui de l'argent, du blanc (Albedo). L'on passe de l'uvre au noir, à l'uvre au blanc, avant d'aboutir, finalement, à l'uvre au rouge, de laquelle naîtra la pierre philosophale.
Yourcenar, nous faisant récit de la vie de cet alchimiste imaginaire du XVIème siècle, nous conte symboliquement son parcours alchimique et initiatique. Elle nous raconte de quelle façon il réalise le Grand Oeuvre.
Après une première lecture du roman, une première constatation, surprenante, s'impose : Zénon n'a rien d'un alchimiste.
D'après l'imagerie populaire, un alchimiste serait un savant, ou un pseudo savant, qui, par des recherches plus ou moins chimiques sur la matière, tenterait de percer le secret de la vie, de la transmutation des matériaux lourds en or ou de découvrir la guérison universelle. L'alchimie, dans ce sens, est un mélange de connaissances scientifiques et de mysticisme, de croyances en des formules magiques.
Cette image de l'alchimie et des alchimistes est, bien entendu on ne peut plus réductrice, même si elle s'est au cours de l'histoire, de nombreuses fois vérifiée (ne serait-ce que parce que le mythe engendre souvent la réalité).
L'alchimie, selon d'autres mouvances, est avant tout un processus symbolique, elle constituerait en fait un sorte de code (parfaitement illustré, par exemple, par la Tabula Smaragdina d'Hermès Trismégiste) dont seuls les initiés