Une inégalité incrustée : les discriminations raciales dans le champ de l’emploi et du travail Olivier Noël1 L’ambition de ce court article de synthèse n’est pas de résumer quinze années de travaux d’observation, d’études et de recherche ce qui serait tout à fait irréaliste mais plutôt de dessiner quelques tendances lourdes. Nous invitons les lecteurs qui en ont le temps et l’envie de prolonger sa lecture en consultant les travaux référencés sur le site www.iscra.org. Dans le champ de l’emploi et du travail, nous avons affaire à des discriminations systémiques. Discriminations systémiques qui sont anciennes2, qui sont inscrites dans les processus de recrutement, d’affectation des tâches dans l’entreprise, et également dans la promotion au sein des entreprises. Ce système de production d’inégalités, fondé sur l’appartenance réelle ou supposée des personnes, comme l’indique l’euphémisation officielle consacrée, est particulièrement stabilisé. Au début des années 90, lorsque nous avons conduit nos premiers travaux3, la question n’était même pas abordable : lorsque les rares personnes qui étaient victimes de discriminations témoignaient, leurs propos étaient immédiatement invalidés et, de ce point de vue, la rhétorique publique de l’intégration4 leur a souvent renvoyé les efforts qu’ils avaient à consentir, les problèmes qu’ils étaient supposés rencontrer. Et nous avons eu, pendant toute cette période, tendance à confondre le problème public5 qu’ils posaient à travers la question que nous appelons aujourd’hui la question des discriminations, avec le problème des publics, le problème supposé d’intégration qui leur était renvoyé. Le traitement de la question des discriminations est aujourd’hui à l’œuvre ; le processus de changement est entamé, mais il est loin d’être abouti. Et, y compris dans le champ de la recherche, la catégorie analytique des discriminations est relativement récente. Nombre de chercheurs ont travaillé pendant longtemps sur la question du racisme, sur