Opinions tolérables
Dans Le discours de la Méthode, Descartes écrit « le bon sens est la chose du monde la mieux partagée ». Autrement dit, tous les hommes sont doués d’une égale raison capable de former des idées et d’avoir des opinions personnelles. On a tendance à considérer les opinions comme le signe de la liberté individuelle. On croit donc qu’elles ne doivent pas être empêchées sous peine de porter préjudice au droit élémentaire de l’humanité, à savoir le droit de penser par soi-même. Dans cette perspective, toutes les opinions doivent être tolérées, supportées. Cependant, par nature, les opinions sont incertaines, diverses ; elles sont contraires d’un homme à l’autre et d’une culture à l’autre. De ce fait, elles peuvent heurter les convictions et les valeurs des autres. On en vient donc à se demander « Toutes les opinions sont-elles tolérables ».
La question est radicale, elle porte sur la totalité des opinions considérées en elles-mêmes. Et elle consiste à se demander si certaines opinions sont intolérables. De plus, le tolérable et l’intolérable sont des sentiments propres à la conscience, qui sont fonction d’une valeur.
Mais qu’elle est donc cette valeur ? Est-elle intérieure ou extérieure à l’opinion elle-même ? De quel point de vue, au nom de quoi et dans quel but les opinions seraient-elles toutes tolérables ou seulement certaines plus que d’autres ? Ainsi du point de vue de la connaissance, faut-il privilégier la liberté d’opinions au risque d’oublier la vérité ? Dans le domaine de l’action, sont-elles toutes tolérables au point d’oublier l’idéal de justice ? Enfin sur le plan politique, sont-elles toutes tolérables au point d’en oublier le respect de la personne humaine et la sureté de l’Etat ?
Si on analyse la notion d’opinion, il semble qu’elles sont toutes tolérables parce que étant par nature non fondées sur des raisons objectives, elles se valent toutes dans leur ignorance même. En effet, dans Le Ménon, Platon