Pamphlet
Et vous, pauvres moutons qui n'ont d'hommes que le nom, que faites-vous ?!... A l'évidence, vous suivez ce mouvement assassin, sans penser ni réfléchir, abandonnant votre droit de révolte et libre-arbitre. A qui, d'ailleurs ?... A rien d'autre que le néant, répondrais-je. Car vous n'êtes guidés par nul autre que vous-mêmes, les uns suivant les autres, empêtrés que vous êtes sans même le réaliser dans un cercle vicieux qui pousse l'esprit humain et littéraire vers la décadence et la décrépitude... Aujourd'hui, les anciens vers se parent de noir et la prose délavée désespère. Les penseurs n'ont plus leur place, moqués par l'amère critique et tous ces scientifiques en qui les hommes aveugles croient voir la lueur d'un splendide avenir. Bienvenue aux vérités démontrées, aux convictions granitiques et rigides, aux axiomes sévères ! Voici venu le temps de la rigueur et de l'exactitude contrôlée... Voici venue l'hégémonie des théorèmes uniformes, monotones et sans nuances ! Réjouissez-vous, peuples bêlants, vous n'avez plus besoin de philosopher, presque plus de penser. On se charge de remplir votre crâne d'idées arrêtées et sectaires, on vous épargne la peine de réfléchir, on vous bourre le cerveau d'équations compliquées qui vous font sourire d'idiote béatitude... on ne vous laisse rien que la voie du froid rationalisme, objectif et savant.
Et qu'en est-il de ceux qui persistent malgré tout à voir la poésie et la douce beauté d'un monde changeant aux règles volages, à refuser un univers où, à force de se croire savant, on sombre dans l'obscurantisme ?... Qu'en est-il des humbles poètes qui savent encore lire et apprécier la course du vent et les chatoiements de l'onde ? Qu'en est-il de ces penseurs oubliés et délaissés,