Questions Hugo, Stendhal, Dumas, Camus
Objet d'étude : le roman et ses personnages, visions de l'homme et du monde.
Textes :
Texte A : Victor Hugo, , Le Dernier jour d'un condamné, 1829.
Texte B : Stendhal, La Chartreuse de Parme, 1839.
Texte C : Alexandre Dumas, Le Comte de Monte-Cristo, 1845.
Texte D : Albert Camus, L'Etranger, 1942.
Texte A : Victor Hugo, , Le Dernier jour d'un condamné, 1829.
[Il s'agit de l'incipit du roman.]
Bicêtre1.
Condamné à mort !
Voilà cinq semaines que j'habite avec cette pensée, toujours seul avec elle, toujours glacé de sa présence, toujours courbé sous son poids !
Autrefois, car il me semble qu'il y a plutôt des années que des semaines, j'étais un homme comme un autre homme. Chaque jour, chaque heure, chaque minute avait son idée. Mon esprit, jeune et riche, était plein de fantaisies. Il s'amusait à me les dérouler les unes après les autres, sans ordre et sans fin, brodant d'inépuisables arabesques cette rude et mince étoffe de la vie. C'étaient des jeunes filles, de splendides chapes2 d'évêque, des batailles gagnées, des théâtres pleins de bruit et de lumière, et puis encore des jeunes filles et de sombres promenades la nuit sous les larges bras des marronniers. C'était toujours fête dans mon imagination. Je pouvais penser à ce que je voulais, j'étais libre.
Maintenant je suis captif. Mon corps est aux fers dans un cachot, mon esprit est en prison dans une idée. Une horrible, une sanglante, une implacable idée ! Je n'ai plus qu'une pensée, qu'une conviction, qu'une certitude : condamné à mort !
Quoi que je fasse, elle est toujours là, cette pensée infernale, comme un spectre de plomb à mes côtés, seule et jalouse, chassant toute distraction, face à face avec moi misérable et me secouant de ses deux mains de glace quand je veux détourner la tète ou fermer les yeux.
Elle se glisse sous toutes les formes où mon esprit voudrait la fuir, se mêle comme un refrain horrible à toutes les paroles qu'on m'adresse, se colle