Rhétorique
La confusion entre la rhétorique comme art de l'éloquence, mise en œuvre de techniques de séduction au moyen du langage, et l'argumentation comme déroulement d'un raisonnement, existe depuis les débuts de la discipline. Souvent confondue avec la dialectique, l'argumentation met « en œuvre un raisonnement dans une situation de communication » selon Philippe Breton23. La dialectique (étymologiquement, l'« art de la discussion »), ancien terme pour désigner le champ argumentatif, était en effet subordonnée à la rhétorique. Le philosophe grec de l'Antiquité Zénon d'Élée comparait ainsi la dialectique, technique du dialogue, à un « poing fermé » alors que la rhétorique lui paraissait semblable à une « main ouverte »24. L'orateur romain Cicéron explique ainsi que « L'argumentation devra s'élever en proportion de la grandeur du sujet »25. Pourtant, les différences tant théoriques que d'usages sont nombreuses.
Pour Michel Meyer, la différence principale tient au fait que « la rhétorique aborde la question par le biais de la réponse, la présentant comme disparue, donc résolue, tandis que l'argumentation part de la question même, qu'elle explicite pour arriver à ce qui résout la différence, le différend, entre les individus »26. La publicité est à ce sujet éclairante : il s'agit, par la rhétorique, de plaire sans forcément démontrer le bien-fondé d'un produit, alors que le milieu juridique, au tribunal, lui, use d'argumentation pour « manifester la vérité »27. Une autre différence notable tient aux buts des deux disciplines. Si l'argumentation recherche la vérité (dans la démonstration mathématique par exemple), la rhétorique cherche avant tout le vraisemblable. Aristote explique en effet le premier que « le propre de la rhétorique, c'est de reconnaître ce qui est probable et ce qui n'a que l'apparence de la probabilité »28. De là vient l'image quelque peu péjorative, synonyme de « discours fallacieux », que véhicule l'art rhétorique depuis