Dans Les mondes de l'art, Howard Becker cherche à mettre en évidence comment les protagonistes d'un "monde de l'art" donné élaborent et transmettent les symboles créés, interprétés ou reçus. Dans cette approche, ce sont surtout, à propos de la création et de la réception des oeuvres, les relations interpersonnelles et l'organisation des réseaux de coopération qui sont étudiées. Le premier chapitre s’attache à analyser l’organisation structurelle des mondes de l’art en tant qu’action collective. Becker définit un monde de l’art comme un « réseau de tous ceux dont les activités, coordonnées grâce à une connaissance commune des moyens conventionnels de travail, concourent à la production des œuvres qui font précisément la notoriété du monde de l’art ». Il s’agit de l’ensemble des interactions par tous les individus participant plus ou moins directement à la production, à la diffusion et à la réception d’une œuvre d’art. Ces interactions prennent la forme de coopération, d’entente, etc. Le pluriel « mondes de l’art » est volontaire, car la notion doit rester vague : elle regroupe en effet plusieurs domaines artistiques, mais leurs frontières sont toujours très indéterminées. Le processus de réalisation de l’œuvre n’est pas linéaire, mais composite, hiérarchisé. C’est une arborescence d’interdépendances souvent subtiles et auxquelles on ne pense pas toujours immédiatement. L’interconnexion de ces multiples réseaux rend ce mouvement très diffus. Chaque individu a une tâche définie ; la répartition des tâches est définie arbitrairement, car elle apparait comme « normale ». Cette rigidité fonde un ordre normé permettant la cohésion sociale d’un monde de l’art. L’œuvre d’art est donc un objet composite résumant l’ensemble des tâches effectuées, et pas seulement l’œuvre du talent de « l’auteur ». Il en va de même pour les arts solitaires : la littérature, peinture, etc. De même, Becker pose la question de la paternité de l’auteur : où commence-t-elle, où finit-elle ?