SonnetXXIV
« Qu'heureux tu es (Baif) heureux et plus qu'heureux »
1. Un texte élégiaque :
Comme souvent, la composition du sonnet repose sur une opposition entre les deux quatrains (le bonheur de Baïf) et les deux tercets (le malheur de Du Bellay). Le poème présente donc un registre élégiaque, soulignant le contraste entre l’heureux Baïf et le chetif Du Bellay par de nombreuses figures de style :
Le bonheur de Baïf est souligné par une hyperbole (Qu'heureux tu es (Baif) heureux et plus qu'heureux…) et un isolexisme1 (languir ton coeur doulcement langoureux).
Les accumulations opposent l’excès de bonheur de Baïf (belle, courtoise, et gentile maistresse) aux maux qu’endure Du Bellay (Les regrets, les ennuys, le travail, et la peine ; voir le S.352), lesquels sont encore soulignés par un chiasme (Le tardif repentir d'une esperance vaine) et une personnification (l'importun souci, qui me suit pas à pas).
Même opposition avec un parallélisme auquel s’associent une antithèse (Le severe sourcy: mais la doulce rudesse) et un oxymore (la doulce rudesse rappelle le lieu commun de la guerre amoureuse).
2. Le regard, source d’inspiration :
Le thème du regard sous-tend tout le poème. A l’aide de périphrases, il permet d’évoquer en les opposant les deux divinités aveugles, d'une part la déesse Fortune (ceste aveugle Deesse) qui est nuisible pour Du Bellay (c’est un leitmotiv dans les Regrets : voir les S. 3, 6, 41, 51, 56, 60, 70), et d’autre part Cupidon (cest aveugle enfant qui nous fait amoureux) qui rend heureux Baïf.
Cette opposition se retrouve au niveau des mortels entre le maistre rigoureux et la gentile maistresse : la métonymie du severe sourcy s’oppose à l’oxymore de la doulce rudesse. S’ajoute à cela un troisième terme qui est le regard du prince (loing des yeux de mon Prince). Du Bellay établit donc ainsi un système subtil d’oppositions et d’associations : l’œil sévère du maître (qui, à la différence de la maîtresse de Baïf,