textes extrait des "mains libres" Man Ray Paul Eluard
Château abandonné
p.18
La langue partit la première
Puis ce fut au tour des fenêtres
Il n'y eut plus que mort fondée
Sur le silence et sur l'obscurité.
La lecture
p.30
Au centre de Paris
La pudeur rêvassait
Le bouquet du ciel sans nuages
Dans un vase de maisons noires
Quand elle n'a pas le temps
Elle n'en est que plus belle
On n'en finit pas d'apprendre
Le ciel ferme la fenêtre
Le soleil cache le plafond.
L'aventure
p.33
Prends garde c'est l'instant où se rompent les digues
C'est l'instant échappé aux processions du temps
Où l'on joue une aurore contre une naissance
Bats la campagne
Comme un éclair
Répands tes mains
Sur un visage sans raison
Connais ce qui n'est pas à ton image
Doute de toi
Connais la terre de ton cœur
Que germe le feu qui te brûle
Que fleurisse ton œil
Lumière.
Belle main
p.69
Ce soleil qui gémit dans mon passé
N'a pas franchi le seuil
De ma main de tes mains campagne
Où renaissaient toujours
L'herbe les fleurs les promenades
Les yeux toutes leurs heures
On s'est promis des paradis et des tempêtes
Notre image a gardé nos songes
Ce soleil qui supporte la jeunesse ancienne
Ne vieillit pas il est intolérable
Il me masque l'azur profond comme un tombeau
Qu'il me faut inventer
Passionnément
Avec des mots.
Femme portative
p.115
D'un effet solennel dans la solitude
Terrestre dérision la femme
Quand son cœur est ailleurs
Si ce que j'aime m'est accordé
Je suis sauvé
Si ce que j'aime se retranche
S'anéantit
Je suis perdu
Je n'aime pas mes rêves mais je les raconte
Et j'aime ceux des autres quand on me les montre.
Les tours du silence
p.38
Ils battent les pierres
Ils voudraient avoir un ombre
Ils voudraient avoir un corps
Ils ne sont ni jour ni nuit
Ils sont aux mains de l'espace
Encore une chute de clarté
Et les