ANALYSE CRITIQUE Pierre F.GONOD

GÉNÉRATIONS EN PROSPECTIVE
(À propos d'un livre de Bernard Préel)
Jusqu'alors l'étude des générations était rarissime. On notera d'emblée qu'elle fait partie de la réflexion sur les temps, et, comme celle-ci est généralement absente de la prospective, il n'est pas étonnant qu'elle ne soit pas une de ses composantes. Un ouvrage de Bernard Préel1, et d'autres travaux récents2, peuvent contribuer à sortir de l'état d'infirmité actuel. Difficile de rendre compte en quelques lignes de la richesse de l'ouvrage passionnant de B. Préel. Son écriture vivante, colorée, et quelquefois drôle, en rend la lecture attrayante et en ferait parfois oublier le sérieux de la construction et l'ampleur de la documentation. Car il s'agit, à travers l'étude des générations, d'une véritable synthèse historique et sociologique, bien qu'elle n'en affiche pas l'ambition. B. Préel introduit son ouvrage par la croix comme symbole de notre société. La partie verticale exprime les relations ascendantes et descendantes entre générations, l'horizontale les relations entre pairs marqués par une histoire commune. Son livre est une interrogation sur les solidarités dans ces deux figures et entre elles, ou pour le dire autrement, sur les conflits-coopérations intergénérations.

L'identification des générations
L'auteur a pris le parti de parler de "générations", alors qu'un démographe dirait "cohortes" successives dans la succession par âges. Il a découpé pragmatiquement le siècle en périodes décennales, tout en sachant que d'autres périodisations sont envisageables, ce qui permet à chaque génération de se présenter, de décliner son identité et de raconter son parcours. Il distingue 10 générations dans le siècle : celles de "la belle époque" (naissances entre 1885-1895), de "verdun" (1895-1905), des "années folles" (1905-1915), du krach (1915-1925), de "la libération (19251935), de "l'algérie" (1935-1945), de "mai 1968" (1945-1955), sur laquelle l'auteur revient