1

II- L’ECART A SOI
1- Se raconter, s’inventer, se travestir
Postuler à présent un fondamental écart à soi, c’est signer la fin de l’unité du sujet cartésien, un et transparent à lui-même. Peut-être y aurait-il dis-location du sujet, autant de fantômes de soi-même (l’expression « fantômes de soi » s’entend toujours en confrontation avec la représentation d’une altérité).
Certains diront que l’autoportrait contemporain n’existe pas, qu’il s’en serait allé avec la « défiguration » du sujet classique puis encore avec la dématérialisation de l’art contemporain. Il est vrai que la question de l’autoportrait se complexifie à l’approche de la seconde moitié du XXe siècle tant les représentations du monde, formelles ou idéologiques, évoluent vite. Mais il serait plus juste de dire que l’autoportrait, qui jusqu’alors était un genre autonome, va assimiler ces transformations pour s’ouvrir au monde et devenir non plus une fin en soi mais un moyen. L’art contemporain produira en effet des écritures particulières et multimédiales qui interrogeront les constituantes identitaires de l’être humain sous l’angle de la mythologie individuelle.
A la dislocation du moi physique, héritage des avant-gardes du XIXe siècle, les artistes dadaïstes et surréalistes ouvriront la voie d’un ébranlement du moi mental en écho à l’évolution des grandes théories du XXe siècle dans les domaines de la psychanalyse, de la philosophie, de l’anthropologie et des sciences. Les œuvres et manifestations diverses des dadaïstes et surréalistes s’expriment alors loin des musées pour se situer dans la vie quotidienne et se confondre avec elle. Le désastre humain de la première guerre mondiale vient en effet confirmer cette idée de Freud que le sujet n’existe que dans un clivage entre le « moi » et les différentes instances inconscientes.
Ecoutons à cet effet Sigmund Freud :
Tu es assuré d’apprendre tout ce qui se passe dans ton âme, pourvu que ce soit assez important, parce que, alors, ta conscience te le