I, 1 La Cigale et la Fourmi
Cette fable est héritée d’Esope, reprise par M. de France puis J-A de Baïf. C’est un acte capital que d’avoir mis cette fable dans le livre I en première position, avec l’occurrence unique et première des fourmis et des cigales, ainsi que l’absence de morale apparente. Elle s’inscrit dans une série de fables très courtes, à peine plus étendues que le canevas d’Esope, allant jusqu’à la suppression du sens moral du récit. LF s’éloigne ainsi du modèle ésopique qui avait une morale (« Il ne nous faut rien négliger, si petit que ce soit… ») et qui était parsemé de détails (les fourmis rient, le blé est mouillé…) LF fait le choix de la brièveté ; le vers cultive l’art du sacrifice, de la condensation et de la suppression. LF en change également le titre : de « La Cigale et les fourmis », on passe à « La Cigale et la fourmi », mettant en scène l’affrontement entre deux individus, entre deux options a priori équivalentes. La vérité morale sera construite en fonction du choix. Le titre est un heptasyllabe qui met d’emblée en place un équilibre (avec la conjonction de coordination à valeur disjonctive « et ») et un affrontement.
Pourquoi malgré, ou grâce, à la brièveté de la forme choisie, le jugement qui reste en suspens favorise la cigale ? Et en quoi ce jugement favorable est-il révélateur d’un certain principe d’écriture ?
L’équilibre est rompu dès le 1er vers, la cigale étant mise en exergue. LF rompt avec la tradition ésopique qui commence par la fourmi. Le participe passé actif « ayant chanté » souligne d’emblée une caractéristique substantielle de la cigale, la forme verbale déjouant la formation statufiée et introduisant du devenir, du temps. La prosodie impaire souligne également le choix du mouvement, de même que le rejet à la fin de la séquence phrastique initiale. Tout cela concourt à renforcer le mot « surprise », produisant un étranglement de la prosodie avec le trisyllabique