L'amour du prochain
A priori, l’amour du prochain est un principe moral, généreux, philanthropique. Il s’oppose à l’amour de soi, à l’amour propre, à l’égoïsme.
Ce commandement évangélique a pour version ancienne la philanthropie, chère aux stoïciens, et comme forme moderne la bienfaisance ou encore l’humanitaire.
La philanthropie désigne à la fois « le sentiment et la doctrine qui tendent à faire de plus en plus prévaloir ce qu’il y a d’universel dans la nature humaine sur ce qui est propre à chaque temps, à chaque lieu, à chaque classe, à chaque nationalité » selon Cournot. L’idée d’un universel transcendant singularités et particularismes se retrouve d’ailleurs dans le cosmopolitisme, aspect juridique de la philanthropie stoïcienne. La bienfaisance quant à elle , consiste non pas à secourir individuellement les malheureux mais à améliorer le sort des hommes par des moyens d’une portée générale, notamment par des institutions charitables.
Dans ce contexte, quelle est l’originalité de l’amour du prochain ? N’est il pas contradictoire d’associer les termes d’amour et de prochain ? Cette injonction d’origine religieuse peut-elle constituer un impératif moral, une loi au sens kantien du terme ?
I) Les difficultés liées au terme de prochain :
a) Essayons tout d’abord d’identifier le prochain, c’est à dire le complément d’objet indirect de l’amour. Dans « prochain », il y a d’abord l’idée d’une proximité géographique.ou :et affective. Le prochain est d’abord le proche en distance. Ce peut-être un membre de la famille, du village, de la ville ou encore à la rigueur du pays. Ainsi V. Jankélévitch écrit-il dans son ouvrage L’austérité et la morale : « Dieu ne demande pas l’austérité mais d’aimer son prochain, de se dévouer à nos frères et à nos sœurs, de vivre pour les autres, de chérir notre compagne. » Les plus proches sur le plan géographique sont aussi nécessairement les plus proches biologiquement et affectivement, ce sont les membres de la famille